Notes pour l’allocution présentée par Guy Parent, Ombudsman des vétérans, au Sous-comité sénatorial des anciens combattants

Ottawa ON
Canada

Monsieur le Président, Sénateurs,

Merci de m’avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd’hui. Je vais vous présenter un aperçu du travail effectué par le Bureau de l’ombudsman des vétérans (BOV) et je vous ferai part des défis que mon équipe et moi-même devons relever. Je partagerai également notre évaluation des enjeux à venir.

Nous célébrerons bientôt le centenaire de la Loi sur les pensions, la première loi canadienne importante visant les vétérans. Elle fut adoptée par le Parlement en 1919. Depuis l’adoption de cette loi il y a près d’un siècle, les gouvernements successifs ont déployé des efforts sincères pour améliorer les avantages et les programmes offerts aux vétérans, cependant, certaines lacunes subsistent encore.

Je respecte tous les efforts des anciens parlementaires, des fonctionnaires, des organismes d’anciens combattants et des défenseurs des droits des vétérans qui travaillent avec ardeur depuis des dizaines d’années pour combler ces lacunes, et j’aborderai plus tard dans mes observations les raisons possibles de ces problèmes. Cependant, je voudrais tout d’abord vous expliquer le rôle de mon bureau.

Il y a, au Canada, quelque 700 000 vétérans et plus de 100 000 membres actifs des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada qui, un jour, joindront leurs rangs. Qu’ils reçoivent ou non des services et des avantages d’Anciens Combattants Canada (ACC), je les considère tous, eux et leur famille, comme des intervenants et des clients potentiels du BOV.

En tant qu’organisme indépendant, mon bureau se veut la voix indépendante et impartiale de tous ceux et celles qui reçoivent les services d’ACC. À ce titre, nous offrons des services directs à une clientèle très dispersée et veillons à ce que l’on tienne compte des besoins des vétérans du Canada et ceux de leur famille conformément à la Déclaration des droits des anciens combattants. Par ailleurs, mon rôle à titre de conseiller spécial pour le ministre des Anciens Combattants me donne l’occasion de présenter directement au ministre les enjeux importants pour la communauté des vétérans.

Le BOV agit souvent comme catalyseur pour orienter et appuyer le débat national sur les dossiers touchant les vétérans. Nous sommes bien placés pour jouer ce rôle, car nous communiquons continuellement avec des vétérans et leur famille partout au Canada dans le cadre de conversations individuelles, de discussions ouvertes, sur notre site Web et dans les médias sociaux.

Dans le cadre de notre travail, nous respectons les normes de pratique de l’International Ombudsman Association et du Forum canadien des ombudsmans. Le BOV est un organisme qui fonde son travail sur des données probantes et nous évaluons l’équité de tout avantage ou programme offert aux vétérans en fonction de sa pertinence, de son caractère suffisant et de son accessibilité.

Nous possédons un effectif de première ligne dévoué qui aide chaque vétéran à comprendre les avantages et les programmes parfois complexes d’ACC. Nous cernons également les lacunes qui existent dans les programmes, les avantages et les services offerts aux vétérans et à leur famille, et nous favorisons un débat éclairé sur les enjeux systémiques en rendant tout d’abord compte des faits dans un examen, qui est suivi d’un rapport comportant des recommandations.

Le BOV, le nom communément donné au Bureau, a joué un rôle important de 2012 à 2014 afin de soumettre la Nouvelle Charte des anciens combattants (NCAC) à un examen approfondi qui a été présenté au Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes (ACVA). En fait, notre examen, notre rapport et notre analyse actuarielle de 2013, appuyés par tous les organismes d’anciens combattants, défenseurs des droits des vétérans et intervenants, ont été les éléments catalyseurs qui ont amené le gouvernement à entreprendre un examen de toute la Charte. Je suis fier que notre recherche fondée sur des données probantes ait permis d’amorcer un débat qui a mené à d’importantes recommandations appuyées à l’unanimité par tous les membres de l’ACVA. Toutefois, il y a encore beaucoup à faire malgré les efforts ardus de tous ceux et celles qui se soucient des questions relatives aux vétérans.

Les avantages offerts sont encore trop complexes. Après des décennies de superposition de lois, de règlements et de politiques sans s’arrêter pour examiner les répercussions sur d’autres avantages, la complexité est souvent de nature byzantine. La prestation des services doit être plus centrée sur les vétérans et fondée sur une approche de guichet unique. De plus, pour favoriser la transparence et l’ouverture, les processus et les motifs des décisions d’ACC concernant les demandes d’avantages des vétérans doivent être communiqués plus efficacement aux vétérans. On pourra ainsi promouvoir un engagement positif des citoyens.

Tous ceux et celles qui traitent des dossiers des vétérans connaissent ces enjeux, mais des questions se posent toujours : Comment combler les lacunes? Comment définir ces lacunes? Poursuivons-nous notre démarche avec le même état d’esprit qui nous a conduits à l’échec pendant près de cent ans, ou est-ce que nous nous lançons dans tout autre chose? Comme par exemple nous concentrer sur des résultats concrets pour les vétérans.

ACC ne mesure pas les résultats des programmes offerts aux vétérans, et l’impact de ces programmes sur la communauté des vétérans n’est pas non plus évalué. En fait, nous avons découvert, lors de notre recherche exhaustive sur les origines des prestations aux vétérans que, de 1920 à nos jours, pas un programme ne comptait d’énoncé écrit au sujet des résultats souhaités pour les vétérans.

Le BOV a toujours fait passer en premier l’atteinte des résultats pour les vétérans, et il semble que notre nouveau gouvernement ait adopté cette orientation également. Alors, je vous dis ceci : Saisissons cette occasion afin de définir clairement les résultats que nous voulons atteindre et qui combleront les lacunes pour les vétérans et leur famille. Car, sans savoir quels sont les résultats visés, il nous est difficile de définir l’ampleur des lacunes.

Et j’irai plus loin. Savez-vous que nous n’avons aucun repère définissant ce qu’est un niveau d’indemnisation financière convenable pour le remplacement du revenu ou, encore, pour la douleur et la souffrance des vétérans. Je vous pose la question suivante : Comment savoir si nos efforts valent la peine si nous n’avons pas de point de comparaison établi?

Par ailleurs, lorsque nous effectuons une analyse exhaustive du remplacement du revenu pour les vétérans, les données, en plus de montrer des résultats incohérents et injustes dans bien des cas, nous indiquent qu’il y a absence de justification stratégique pour avancer ces résultats.

Alors, je crois qu’il est temps d’adopter une nouvelle approche qui soit axée sur les résultats pour les vétérans, et non sur les activités et les résultats de programme. Sinon, nous continuerons à désavantager un bon nombre de vétérans et leur famille, comme nous le faisons depuis près de cent ans.

Nous devons faire mieux, dès aujourd’hui, en réglant certains problèmes liés à la NCAC. Mais, ce qui est encore plus important, c’est de façonner l’avenir en effectuant une analyse complète des interdépendances de tous les avantages offerts. Dans les deux cas, il nous faut comprendre les répercussions d’un changement apporté à un résultat d’avantage sur l’ensemble des avantages pour tous les vétérans. Grâce à notre nouvelle perspective visant d’emblée des résultats pour les vétérans, nous devons également nous assurer de prendre en compte l’effet global dugouvernement en ce qui concerne le soutien apporté aux vétérans et leur famille.

Plus précisément, pour améliorer aujourd’hui le sort des vétérans les plus vulnérables, il faut majorer l’allocation pour perte de revenus (APR) à 90 pour cent et trouver une nouvelle façon de déterminer les catégories de l’allocation pour déficience permanente (ADP). Il est important d’indemniser les membres de la famille qui sont forcés d’abandonner leur carrière pour s’occuper d’un vétéran blessé, et de faciliter l’accès aux services de santé mentale pour ces derniers.

Dans le but de façonner l’avenir, nous devons définir et atteindre les résultats souhaités pour les vétérans afin de leur garantir, à vie, une sécurité financière et une indemnisation pour la douleur et la souffrance. Nous devons nous rapprocher des vétérans et de leur famille pour comprendre leurs besoins et savoir comment y répondre. Il nous faut adopter une demande simplifiée pour les programmes d’avantages offerts aux vétérans, et gérée de manière proactive par le ministère. Le ministère devrait lui-même évaluer et offrir tous les avantages et services auxquels le vétéran est admissible, plutôt que sur le vétéran. Enfin, nous devons assurer aux vétérans et à leur famille une transition de la vie militaire vers la vie civile qui soit facile et réussie.

Ces priorités sont le reflet des objectifs que contient la lettre de mandat du ministre des Anciens Combattants. L’occasion nous est donnée de finalement combler les lacunes des avantages et des programmes offerts aux vétérans et, surtout, de bien faire les choses du premier coup. Souhaitons que cette génération puisse assurer de meilleurs jours aux vétérans et à leur famille.

Merci.

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