Prestation de services de première ligne, Notes d'allocution de l'ombudsman des vétérans, Comité permanent des anciens combattants de la Chambre des communes

Ottawa ON
Canada

Comparer au discours prononcé

Monsieur le Président

Chers membres du comité,

Merci de m’avoir donné cette occasion de vous adresser la parole et de contribuer à l’excellent travail que fait le Comité pour nos vétérans et leur famille.

Je suis avec intérêt les activités du Comité et la variété des témoignages que vous avez entendus au sujet de tout un éventail de questions. Pour ma part, j’aimerais vous parler aujourd’hui des défis et des obstacles liés à la prestation de services de première ligne auxquels se heurtent aujourd’hui nos vétérans et leur famille.

En ma qualité d’ombudsman des vétérans, je représente quelque 800 000 vétérans des Forces canadiennes, de la Gendarmerie royale du Canada et les membres de leur famille. Mon équipe est déterminée à veiller à ce que ces vétérans, dont les 216 000 qui sont des clients d’Anciens Combattants Canada, soient traités équitablement, conformément à la Déclaration des droits des anciens combattants.

Permettez-moi d’abord de vous offrir notre interprétation du terme « équité », que nous voyons à la fois comme une valeur et un résultat mesurable. Nous évaluons l’équité en tant que résultat mesurable en termes de :

Pertinence – Les programmes et les services répondent-ils aux besoins?

Caractère suffisant – Les bons programmes et les bons services sont-ils dotés de ressources suffisantes?

Accessibilité – Les critères d’admissibilité créent-ils des obstacles injustes? Peut-on avoir accès rapidement et facilement aux avantages et aux services?

Voyons quelques défis et obstacles sous cet angle de l’« équité ».

Impact des réductions budgétaires (caractère suffisant)

La question des réductions budgétaires risque d’avoir un impact sur le caractère suffisant des programmes offerts aux vétérans. Comme vous le savez sans doute, j’ai demandé publiquement qu’Anciens Combattants Canada soit exempté des réductions budgétaires du gouvernement. D’autres pays, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, ont pris des mesures semblables.

Les paiements faits aux vétérans ou aux membres de leur famille ne sont pas de la charité ou des prestations d’aide sociale, mais plutôt le remboursement d’une dette contractée par le gouvernement du Canada qui a convenu de compenser les citoyens qui choisissent le service militaire ou le service policier fédéral comme carrière.

À tout le moins, nous devons nous assurer que toute mesure de compression des coûts n’affecte pas la quantité et la qualité des services que reçoivent nos vétérans. Il faut garantir qu’il y aura toujours suffisamment de ressources, tant humaines que financières, pour appuyer les programmes.

Si on peut réaliser des économies en améliorant les processus, il faudrait réaffecter les fonds ainsi économisés à des secteurs qui sont sous-financés, par exemple, le Programme de funérailles et d’inhumation.

Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale doivent mieux se préparer aux missions futures, qui, vraisemblablement, feront accroître le nombre de vétérans blessés, à cause de la multiplicité des périodes de service, et la complexité des cas à gérer, en raison du nombre élevé de traumatismes psychologiques. Le coût associé au traitement de l’impact des missions sur le personnel en déploiement, en termes de réadaptation et de soins pour les blessés, doit faire partie intégrante de la planification des missions et doit faire l’objet d’un effort concerté entre le ministère de la Défense nationale et Anciens Combattants Canada.

Transition du service militaire à la vie civile (pertinence et accessibilité)

La transition du service militaire à la vie civile soulève beaucoup de questions de pertinence et d’accessibilité des programmes. Bon nombre des témoins que vous avez entendus ces derniers mois ont indiqué que des vétérans ont de la difficulté à faire la transition d’une culture militaire où les rapports interdépendants sont très étroits à une vie civile dans une collectivité où les rapports sont ouverts et indépendants.

À mon avis, ce ne sont pas les obstacles auxquels ces vétérans se heurtent qui représentent le plus gros défi, mais plutôt ce qu’ils abandonnent au moment de leur libération. En effet, ils perdent une partie de leur identité et leur sentiment d’appartenance. Comme l’entrevue de libération n’est pas obligatoire, ce sont généralement les vétérans qui savent qu’ils auront besoin d’aide après leur libération qui sont intéressés à participer à une entrevue.

Si un membre des Forces canadiennes ou de la  GRC  souffre de blessures liées au service qui se manifestent après sa libération, les principaux documents dont il aura besoin pour avoir accès aux avantages d’ACC seront une preuve de ses états de service et ses dossiers médicaux. On peut obtenir facilement ces documents cruciaux au moment de la libération, mais ils sont ensuite transférés à Bibliothèque et Archives Canada. Une entrevue de libération obligatoire pour tous, y compris les réservistes, où les membres en voie de libération consentiraient au transfert de leurs états de service et leurs dossiers médicaux à une base de données d’ACC, ainsi que l’émission d’une carte d’identité arborant le numéro de dossier du vétéran, garantirait un accès rapide aux avantages dans l’avenir. De plus, si une telle carte était assujettie à un renouvellement périodique, cela permettrait de mettre en place un « système de suivi » permettant de rejoindre tous les vétérans, y compris les réservistes.

Lors d’une audience antérieure, il a été mentionné que la sécurité financière est un déterminant important de la santé. L’un des défis auquel certains réservistes se heurtent est que, contrairement aux vétérans de la Force régulière, ils n’ont pas droit au revenu de 40 000 $ prévue par l’allocation pour perte de revenus, qui est l’une des améliorations à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Par exemple, si deux soldats, l’un étant un réserviste et l’autre un membre de la Force régulière, travaillent côte à côte, sont blessés dans l’exercice de leurs fonctions et subissent une incapacité permanente, le membre de la Force régulière aura droit à un revenu garanti de 40 000 $, tandis que le réserviste n’aurait droit qu’à un revenu garanti de 24 000 $. Cela va à l’encontre du résumé de l’étude d’impact de la réglementation visant les changements proposés à la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui indique que le salaire minimal absolu requis pour avoir un niveau de vie décent tout en participant à un programme de réadaptation professionnelle est de 40 000 $.

Soins de santé (pertinence)

Il faut également tenir compte de la question de la pertinence des programmes quand on parle des problèmes et des lacunes ayant trait à la prestation des services de soins de santé. Le plus grand nombre de plaintes reçues par le bureau de l’ombudsman portent sur les soins de santé. Ces plaintes couvrent un large éventail de questions, notamment le remboursement des dépenses de déplacement, les limites imposées aux protocoles de traitement et le processus d’approbation qui est jugé lourd et complexe.

Une lacune évidente est le fait que le Programme des soins de longue durée ne comprend pas une stratégie visant à intégrer les vétérans des Forces canadiennes qui, à long terme, pourraient nécessiter des soins de longue durée dans un lit d’accès prioritaire. En outre, il semble y avoir une contradiction entre les programmes visant à garder les vétérans et leur conjoint à la maison aussi longtemps que possible et la prestation de mesures de transition telles que l’accès subventionné à des établissements de logement avec assistance.

Autre obstacle à des soins de santé adéquats : le fait que les cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel qui ont été mises sur pied ne répondent pas toutes aux besoins des vétérans en crise, puisque les clients doivent être stables et sans dépendances avant d’avoir accès aux cliniques qui leur sont pourtant destinées. Dans un système où les programmes sont axés sur les besoins, cette pratique n’est pas très équitable.

Complexité (accessibilité)

La complexité que l’on constate dans les critères et processus des programmes actuels crée un obstacle majeur à l’accessibilité des programmes. Au fil des années, les vétérans ont été classés dans différentes catégories en fonction de la nature, du moment et de l’emplacement de leur service. Il n’est donc pas surprenant de constater qu’Anciens Combattants Canada compte 18 groupes de vétérans. Or, puisque les marins, les militaires, les aviateurs et les membres de la Gendarmerie royale du Canada ne remettent pas en question quand ni où ils doivent servir, il s’agit d’une injustice du premier ordre pour Anciens Combattants Canada de déterminer le niveau de programmes et de services en fonction du service dont le client est issu. L’accès aux avantages devrait être déterminé par les maladies contractées et les blessures subies lors de leur service et il devrait être le même pour tous les vétérans, peu importe la nature ou le lieu de leur service. La catégorisation a fait en sorte qu’au sein même de la communauté des vétérans, il y a des gens qui ne se considèrent pas comme des vétérans au même titre que les anciens combattants ayant servi en temps de guerre. Mon bureau a donc adopté le thème Un seul groupe de vétérans pour la durée de mon mandat. Plus précisément, peu importe quand et où le vétéran a servi, nous nous concentrons sur le fait qu’il a servi son pays de façon honorable.

Un autre obstacle vient s’ajouter qui complique davantage la situation : c’est qu’il incombe au vétéran ou à son représentant de prouver que sa blessure ou sa maladie est attribuable au service, alors que dans les faits, le détenteur des éléments de preuve est le gouvernement du Canada, soit Bibliothèque et Archives Canada, soit le ministère de la Défense nationale. Quand un dossier est envoyé à Anciens Combattants Canada, l’information qu’il contient fait l’objet d’un examen aux fins de la prise de la décision finale, mais cette information n’est pas fournie au client.

Outre ces difficultés qu’il doit traiter, mon bureau effectue en ce moment un examen systémique des lacunes et des défis propres à des secteurs particuliers, notamment :

  • l’équité procédurale de l’ensemble du système de versement des avantages et prestations;
     
  • le processus de présentation des demandes, l’accessibilité et l’exécution du programme des services de santé mentale;
     
  • les stratégies de soins de longue durée; et
     
  • les programmes offerts aux familles.

Conclusion

En terminant, j’aimerais inviter les membres du Comité à appuyer la demande de faire soustraire Anciens Combattants Canada des mesures de réduction budgétaire du gouvernement. Par souci d’équité pour nos vétérans et leur famille, je demande que le Comité veille à ce que tout exercice de réduction budgétaire n’affecte en rien la qualité et la quantité des avantages offerts à nos vétérans, et veille également à ce que ces avantages demeurent assortis de ressources humaines et financières suffisantes.

En outre, je demande aux membres du Comité de s’attaquer au problème du traitement inéquitable des réservistes au chapitre de l’allocation pour perte de revenus. Je crois fermement que tous ceux et celles qui sont frappés d’une maladie ou d’une blessure semblable pendant qu’ils servent leur pays doivent avoir accès aux mêmes avantages quels que soient la nature, le moment et l’emplacement de leur service. C’est une question d’équité et je demande au Comité de m’appuyer dans ce dossier.

Enfin, je demande humblement au Comité de tenir compte des trois piliers associés à l’équité dans le cadre de ses travaux. Les programmes et les services répondent-ils aux besoins? Les bons programmes et les bons services sont-ils dotés de ressources suffisantes? Les critères d’admissibilité créent-ils des obstacles injustes et peut-on avoir accès rapidement et facilement aux avantages et aux services d’Anciens Combattants Canada?

Merci encore une fois de m’avoir donné l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.

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