Comparution devant le Sous-comité des anciens combattants de la Sénat

Ottawa ON
Canada

Bonjour, M. le président et membres du comité. 

Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui afin d’aborder ce très important examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants. 

Permettez-moi tout d’abord de vous présenter les membres de mon équipe : Monsieur Gary Walbourne, directeur exécutif des Opérations et ombudsman adjoint, et le colonel retraité Denys Guérin, notre chef d’équipe pour l’examen de la Nouvelle Charte des anciens combattants. 

Comme je l’ai mentionné dans mon allocution au Comité de la Chambre la semaine dernière, je voudrais encore une fois remercier l`honorable Julian Fantino, ministre des anciens combattants d'avoir accepté ma recommandation de procéder à un examen exhaustif de la Nouvelle Charte des anciens combattants, en mettant particulièrement l'accent sur les vétérans les plus grièvement blessés, le soutien aux familles et la prestation des programmes par Anciens Combattants Canada. 

En une semaine, il s’est passé beaucoup de choses qui dénotent bien la nécessité d’effectuer cet examen approfondi et de mettre en œuvre des solutions concrètes le plus rapidement possible. 

Les hommes et les femmes qui servent dans les Forces armées canadiennes acceptent de leur plein gré de mettre leur vie et leur santé en péril, risques qui sont inhérents au service. S’ils sont blessés ou tombent malades et qu’ils ne peuvent plus servir en uniforme, le gouvernement du Canada reconnaît qu’il lui incombe de les aider à reconstruire leur vie et, dans toute la mesure du possible, à retrouver la santé, leur indépendance financière et une vie personnelle et familiale de qualité. 

Les membres des Forces armées canadiennes et les vétérans ont de la difficulté à comprendre pourquoi le gouvernement ne respecte pas entièrement son engagement à répondre à leurs besoins, alors qu’ils s’investissent complètement. De récents événements ont malheureusement montré que pour certaines de ces personnes, l’incertitude entourant leur avenir les amène à croire qu’il ne reste plus aucun espoir. 

Nous devons faire en sorte que chaque membre des Forces armées canadiennes soit conscient que peu importe la nature de la blessure ou de la maladie qu’il subit alors qu’il est au service du Canada, il jouira d’une sécurité financière pendant le reste de sa vie. 

Nous devons également améliorer le processus de transition vers la vie civile en créant des occasions nouvelles et améliorées grâce à des partenariats avec le secteur privé et à des programmes de formation professionnelle de calibre mondial. 

Ce faisant, nous redonnerons espoir aux membres des Forces armées canadiennes et aux vétérans, qui pourront alors se concentrer sur l’avenir au lieu de s’accrocher au passé. 

Enfin, nous devons renforcer les familles, c’est-à-dire faire en sorte qu’elles soient mieux renseignées et qu’elles soient mieux indemnisées pour le soutien essentiel qu’elles fournissent en coulisse à nos hommes et nos femmes en uniforme. Non seulement ces améliorations sont-elles essentielles au bien-être de chaque individu, elles deviennent une question de sécurité nationale puisqu’elles influencent la capacité du Canada à recruter et à maintenir en poste des membres des Forces armées canadiennes.  

Cette obligation du gouvernement du Canada à l’égard des vétérans est présentée dans des textes législatifs, notamment dans le préambule de lois telles que la Loi sur les pensions, la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), et la Loi sur les anciens combattants. Dans ces textes, il est indiqué que les dispositions prévues doivent s’interpréter de façon large étant donné l’obligation que les Canadiens et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi le pays et des personnes à leur charge. J’appuie entièrement les récentes revendications des organismes de vétérans et des défenseurs de leurs droits qui demandent que cette obligation reconnue soit présentée dans la Nouvelle Charte des anciens combattants, comme c’était le cas d’anciennes lois touchant les vétérans. 

Depuis avril de cette année, j’ai publié une série d’examens et de rapports qui se veulent des outils de référence factuels communs pour diriger la discussion, mais plus important encore, pour canaliser les mesures à prendre concernant des secteurs de programme précis de la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui nécessitent d’être améliorés. J’ai proposé des données probantes, des analyses et des recommandations sur la façon d’aborder les lacunes associées aux trois secteurs de programme qui préoccupent le plus les vétérans.

Ces lacunes sont : 

  • La première : l’instabilité financière et un niveau de vie inférieur; 
  • La deuxième : un programme de réadaptation professionnelle qui est excessivement rigide en insistant sur la mise à profit de la scolarité, des compétences et de l’expérience, ce qui limite les options de recyclage et d’emploi; et 
  • La troisième : une situation familiale pénible en raison d’un soutien insuffisant aux familles. 

Mon bureau a analysé plus de 200 améliorations recommandées à la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui ont été proposées par plusieurs comités consultatifs d’experts et comités du Sénat et de la Chambre des communes depuis 2006, y compris bon nombre des 160 recommandations que le ministre Fantino a mentionnées. Nous avons également organisé des consultations exhaustives auprès de parties concernées. 

De nombreuses recommandations ayant trait aux secteurs clés de la transition – soit le soutien financier, la réadaptation professionnelle et le soutien aux familles – n'ont pas été implémentées et ces secteurs continuent d'avoir une incidence sur les vétérans et leurs familles, comme en font foi l’avalanche de poursuites lancées contre le gouvernement et l’agitation grandissante dans la communauté des vétérans. 

Monsieur le Président, je fais respectueusement valoir que la presque totalité du travail d’analyse et d’examen des lacunes est terminé. La voie à suivre pour améliorer la Nouvelle Charte des anciens combattants est déjà tracée. Cependant, ne pas poursuivre sur cette voie dénote une tendance inquiétante. Si nous mettons l’accent sur les questions périphériques au détriment d’importantes questions fondamentales, nous ne ferons que traiter les symptômes du problème et non leurs causes profondes, qui ont des conséquences beaucoup plus graves sur la vie quotidienne des vétérans.

Mon rapport sur l’amélioration de la Nouvelle Charte des anciens combattants et l’analyse actuarielle qui la sous-tend peuvent servir de référence pour déterminer comment cette charte évolutive sera examinée par le Comité. L’analyse – contenue dans le rapport – des avantages et des programmes définit clairement de quelle façon les programmes d’avantages actuels de la Nouvelle Charte des anciens combattants écartent certains vétérans d’aujourd’hui et qu’ils continueront de les écarter, à moins que des changements soient apportés rapidement.

Je ne mâcherai pas mes mots. Nous savons tous exactement où sont les lacunes dans les programmes. Nous n’avons pas besoin de mener une énième étude. Si nous nous efforçons de régler les lacunes fondamentales de la Nouvelle Charte des anciens combattants, la plupart des autres plaintes disparaîtront du coup puisque nous aurons traité la cause profonde des problèmes, et non pas les symptômes. 

Si nous pouvions régler ne serait-ce que les cinq problèmes suivants, imaginez la tournure différente que prendra notre conversation l’an prochain. 

  • La première : l’insuffisance du soutien financier lié à des répercussions financières offert après l’âge de 65 ans aux vétérans qui sont frappés d’une incapacité totale et permanente;
  •  La deuxième : la baisse de revenus des vétérans en période de transition entre la vie militaire et une carrière civile, car l’allocation pour perte de revenus ne correspond qu’à 75 pour cent de la solde que touchait un militaire avant d’être libéré. 
  • La troisième : de nombreux vétérans atteints d’une invalidité grave continuent d’avoir du mal à recevoir l’allocation pour déficience permanente et le supplément à l’allocation pour déficience permanente. 
  • La quatrième : la pratique injuste de réduire le montant de l’allocation pour perte de revenus aux réservistes à temps partiel qui souffrent d’une blessure ou d’une maladie liée au service; 
  • La cinquième : cette lacune vise l’avantage lié à des répercussions non financières visant à compenser la douleur et la souffrance, soit l’indemnité d’invalidité. Cet avantage était censé avoir suivi le rythme des indemnités pour douleur et souffrance accordées par les tribunaux civils, mais ce n’est pas le cas. 

Trop souvent, le débat qui entoure les problèmes des vétérans se résume à deux questions : « Est-il préférable de faire une demande en vertu de la Loi sur les pensions ou de la Nouvelle Charte des anciens combattants? » 

En fait, nous avons deux régimes d’avantages très différents qui fonctionnent en parallèle.  

Selon moi, nous devons accepter le fait que les vétérans sont appuyés en vertu de deux régimes d’avantages différents, et que nous ne pouvons pas récrire le passé. 

Monsieur le Président, j’estime que nous devons nous employer à régler les défis auxquels sont confrontés les vétérans et leur famille, aujourd’hui et demain.

La plus grande partie du débat vise les choses que nous avons accomplies. Concentrons-nous maintenant sur les choses qu’il nous reste à accomplir. 

Si nous ne réglons pas ces questions maintenant, nous devrons faire face au coût humain plus tard. Si l’histoire nous a appris quelque chose, c’est que d’autres améliorations vont devenir nécessaires à l’avenir car à mesure que la nature des conflits change, il en est de même pour les besoins de nos hommes et de nos femmes en uniforme. 

C'est pourquoi je recommande d'inscrire dans la loi un examen biennal régulier de la Nouvelle Charte des anciens combattants pour s'assurer que celle-ci continue de s'adapter aux besoins changeants des hommes et femmes militaires et vétérans, et de leur famille, et pour qu'elle continue d'incarner l'affirmation du gouvernement qu’elle est une charte « évolutive ». 

Permettez-moi de vous rappeler ce que j’ai rappelé au Comité de la Chambre la semaine dernière que l’an prochain nous soulignerons le 100e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale. Lorsque le Canada s’est engagé dans cette guerre, il n’était pas préparé à composer avec les milliers de blessés qui revenaient de guerre ni avec la démobilisation subséquente. 

Aujourd’hui, le Canada est beaucoup plus préparé pour soigner et appuyer ses vétérans malades et blessés ainsi que leur famille. 

Cependant, comme les événements récents l'ont montré, une meilleure préparation ne veut pas nécessairement dire une préparation suffisante. Nous avons encore bien du travail à faire pour garantir que les vétérans d’aujourd’hui et de demain reçoivent l’appui et les soins dont ils ont besoin. 

L’année où nous commémorons le 100e anniversaire du début de la Première Guerre mondiale et l'année où nous finissons des opérations en Afghanistan devrait également être l’année où nous réglons les problèmes associés aux avantages aux anciens combattants et où nous établissons une solide fondation de soins et de soutien pour les années à venir. 

Monsieur le Président et membres du Comité, nous avons misé sur le passé pour nous rendre au présent. Misons maintenant sur le présent pour nous diriger vers le futur. Tous les outils sont en place pour le faire maintenant sans retard injustifié. C’est la moindre des marques de reconnaissance pour nos vétérans et leur famille. 

Merci.

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