Allocution d’ouverture : Guy Parent, Ombudsman des vétérans - Comité permanent des finances de la Chambre des communes

Ottawa ON
Canada

Monsieur le Président, chers membres du Comité,

Bonjour et merci de m’avoir invité à comparaître devant le Comité pour vous transmettre mes points de vue sur le projet de loi C-31, en particulier sur la section 1 de la partie 6, intitulée « Paiements – anciens combattants ». J’en profite également pour vous expliquer brièvement pourquoi Anciens Combattants Canada doit prendre d’autres mesures afin d’améliorer le soutien qu’il offre aux vétérans blessés ou malades, ainsi qu’à leur famille, aux termes de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

Le projet de loi C-31 permettra à de nombreux vétérans, survivants et enfants à charge de recevoir un soutien financier additionnel en raison de la décision du gouvernement de cesser de déduire la pension d’invalidité prévue par la Loi sur les pensions d’autres avantages financiers, notamment l’allocation pour perte de revenus, l’allocation de soutien du revenu des Forces canadiennes et l’allocation aux anciens combattants. Le paiement forfaitaire lié à ces avantages correspondra à une compensation rétroactive qui couvrira une période allant de la date à laquelle la décision a été prise de mettre fin à ces déductions, jusqu’à la date de mise en œuvre de la décision par Anciens Combattants Canada.

Les clients du RARM reçoivent des paiements compensatoires rétroactifs qui remontent au début du programme, car, dans le contexte d’un contrat d’assurance, la déduction de la pension d’invalidité à titre de « revenu » était contraire à la loi. Toutefois, Anciens Combattants Canada agissait dans le contexte entier de la législation. Lorsqu’il a été confronté à une nouvelle compréhension de la pension d’invalidité, un changement stratégique a eu lieu afin de modifier le règlement dans le but d’éliminer les conséquences importantes que cette politique avait pour les vétérans. Du point de vue d’un ombudsman, il n’y a rien d’inéquitable dans ce qui s’est passé. Même si les deux situations semblent être similaires, elles sont très différentes sur le plan structurel.

Beaucoup de vétérans ont téléphoné à mon Bureau pour se plaindre que les courtes périodes de rétroactivité sont injustes. Ils prétendent que l’ordonnance de règlement rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Manuge c. Canada prévoit une période de rétroactivité remontant à 1976 pour le Régime d’assurance-revenu militaire des Forces canadiennes. Ils estiment donc que les paiements rétroactifs visant les programmes d’Anciens Combattants Canada touchés devraient débuter à la date à laquelle les programmes sont entrés en vigueur.

À mon avis, il ne s’agit pas d’une question d’équité. En effet, la Cour fédérale n’a pas ordonné spécifiquement au gouvernement de changer la façon dont il déduit la pension d’invalidité des avantages offerts par Anciens Combattants Canada. Mais le gouvernement a tout de même effectué des changements. De plus, il n’était pas obligé d’offrir des paiements rétroactifs – mais il l’a bel et bien fait. Cela permet d’assurer que les vétérans ne seront pas pénalisés pour le temps qu’il a fallu pour mettre en œuvre la nouvelle politique.

Je pense que l’harmonisation de la façon dont Anciens Combattants Canada et les Forces armées canadiennes traitent la question de déduction de la pension d’invalidité de leurs avantages financiers respectifs permettra dorénavant au gouvernement de traiter les vétérans équitablement.

Regardons rapidement la rétroactivité sous un autre plan par rapport à la Nouvelle Charte des anciens combattants. Pour le moment, la dure réalité à laquelle les vétérans sont confrontés, c’est qu’ils ont des problèmes de sécurité financière à partir de l’âge de 65 ans. Anciens Combattants est conscient de cette situation et agit pleinement dans le cadre de la législation en vigueur. Si vous avez consulté mon rapport sur la Nouvelle Charte des anciens combattants, vous savez que mon objectif est de changer la législation afin que les vétérans ayant une invalidité grave touchent de meilleurs avantages financiers après l’âge de 65 ans. Lorsque la législation aura changé, je ne reviendrai plus sur la rétroactivité. Les écarts à combler pour répondre aux besoins des vétérans sont cernés, la législation a changé, et nous passons à autre chose. La situation est la même que ce qui vient de se passer avec les déductions de la pension d’invalidité. La décision de la Cour fédérale concernant le RAMR confère une rétroactivité en vertu du contexte contractuel.

Les lacunes les plus pressantes, et la principale source de mécontentent parmi les vétérans, sont celles qui sont liées au soutien financier. Or, un soutien financier adéquat  est un facteur déterminant dans l’atteinte de bon nombre des résultats visés par les vétérans, tels qu’une transition réussie vers une nouvelle carrière civile, un niveau de vie et une qualité de vie raisonnables, de même qu’une meilleure santé physique et mentale. Il y a cinq principales lacunes relativement au soutien financier prévu par la Nouvelle Charte des anciens combattants :

La première : l’insuffisance du soutien financier offert après l’âge de 65 ans aux vétérans à risque qui sont atteints d’une incapacité totale et permanente;

La deuxième : la baisse du revenu des vétérans en période de transition entre la vie militaire et une carrière civile, due au fait que l’allocation pour perte de revenus ne correspond qu’à 75 p. 100 de la solde qu’ils touchaient avant d’être libérés;

La troisième : l’accès difficile de nombreux vétérans atteints d’une incapacité grave à l’allocation pour déficience permanente et au supplément à l’allocation pour déficience permanente;

La quatrième : la pratique injuste de réduire le montant de l’allocation pour perte de revenus versé aux réservistes à temps partiel qui souffrent d’une blessure ou d’une maladie liée au service;

Et la cinquième lacune : l’avantage lié à des répercussions non financières visant à compenser la douleur et la souffrance, c’est-à-dire l’indemnité d’invalidité. Cet avantage est censé avoir suivi le rythme des indemnités pour douleur et souffrance accordées par les tribunaux civils, mais ce n’est pas le cas.

L’objectif premier de la Nouvelle Charte des anciens combattants est de veiller à ce que les militaires blessés ou malades puissent réintégrer la vie civile et atteindre les mêmes buts que ceux visés par tous les Canadiens et Canadiennes : un bon emploi, l’autonomie financière et une bonne qualité de vie personnelle et familiale. Si leur problème de santé les empêche de retourner travailler, ces vétérans doivent alors recevoir un soutien adéquat pour pouvoir vivre avec dignité et jouir d’une sécurité financière.

Les lacunes présentées au gouvernement par l’intermédiaire de mes rapports et des nombreux témoins qui ont comparu devant les comités des anciens combattants de la Chambre des communes et du Sénat au cours des derniers mois font obstacle à la concrétisation de l’objectif premier de la Charte. Grâce à quelques modifications ciblées, la Nouvelle Charte des anciens combattants peut devenir un système d’avantages et de programmes qui ont un impact tangible et positif sur tous les vétérans et leur famille – un système qui peut être une source de fierté pour les vétérans plutôt qu’une source intarissable de mécontentement.

En réalité, la plupart des 20 recommandations que j’ai faites pour améliorer la Nouvelle Charte des anciens combattants coûteraient peu à mettre en œuvre, sinon rien du tout. Cependant, il faudra financer les mesures requises pour combler les lacunes dans les programmes de soutien financier. À mon avis, si nous ne réglons pas ces problèmes dès maintenant, nous aurons à en subir le coût humain plus tard.

Pour terminer, ma vision de ce que devrait être la Nouvelle Charte des anciens combattants est simple : un système bien intégré de programmes qui suscitent chez les vétérans en période de transition de l’optimisme pour l’avenir et pour les nouvelles possibilités qui s’offrent à eux. Autrement dit, les vétérans doivent pouvoir envisager l’avenir avec enthousiasme et un sentiment d’utilité plutôt que de se sentir dépassés par leur situation présente et de rêver d’un passé qui n’existe plus. Pour susciter l’optimisme de tous les vétérans, il faut apporter d’importantes modifications à la Nouvelle Charte des anciens combattants, en particulier aux programmes de soutien financier.

Chaque journée qui passe sans que ne soient réglés les problèmes que j’ai relevés dans la Nouvelle Charte des anciens combattants est une journée de plus où les vétérans et leur famille subissent le stress de la transition de la vie militaire à la vie civile. Le gouvernement a une occasion d’obtenir des résultats très concrets pour les vétérans et leur famille en réglant les problèmes de longue date de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

Merci.

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